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Le Brésil (1)

Un petit tour et puis s'en va...

Je dois dire que ce passage de frontière est pour moi un grand soulagement. Parce qu'il faut bien dire, à posteriori, que tenter la traversée du Guyana par la savane c'est un peu pas très malin. Hé oui ! ça faisait à peine 2 semaines que j'étais sur ce continent et je me la pétais déjà à traverser un pays totalement inconnu (de moi) par un chemin très peu emprunté pourvu d'une réputation assez moyenne. Enfin, j'ai eu de la chance, je pense, de tomber sur le bonhomme au 4X4, parce que dans un camion de l'armée c’eût Ã©té beaucoup moins dance.


Enfin, je suis de l'autre côté et maintenant il me faut rejoindre Boa Vista. D'abord, passer le poste frontière brésilien. Un gars sympa me monte dans son pick-up (mon premier !) pour me déposer un tout petit peu plus loin, au poste frontière. Là, j'obtiens un visa transit de 5 jours parce que j’ai la moyennement bonne idée de dire au policier fédéral que je me rends au Venezuela.


Ensuite : STOP ! Hé oui ! Je commence à faire du stop mais ce n'est pas une très bonne expérience et comme un taxi, oui, vous avez bien lu, un taxi, me propose la course jusqu’à Boa Vista pour environ 70FF (les Francs Français sont toujours la monnaie utilisée sur mon compte en banque). Et comme je suis crade de trois jours dans des endroits ensoleillés et poussiéreux et que j’ai une envie de douche assez fatale, j’accepte l’offre et me retrouve à Boa Vista une heure et demi plus tard.
 

Aujourd’hui, en y repensant, je me dis que j’ai de la chance… En effet, en arrivant à Boa Vista il me faut tout de suite retirer de l’argent à un distributeur automatique parce que je n’ai pas de Reais (monnaie brésilienne) et encore moins de Dollars US. Et quand je dis que j’ai de la chance, c’est que par la suite j’ai toujours un mal fou dans les Banco do Brasil pour trouver LE distributeur automatique qui accepte les carte Visa. Bref, ce jour là, du premier coup je peux retirer une somme assez conséquente me permettant de régler ma course et trouver une auberge.


J’ai repéré une auberge pas trop chère dans mon Lonely Planet, se situant dans le centre, sur l’avenue Benjamin Constant : auberge Brasil, très calme, pas touristique du tout (ouf !) et, effectivement pas très chère. J’y reste 3 jours, le temps de visiter un peu Boa Vista et m’apercevoir qu’il n’y a pas grand-chose qui m’intéresse. Ceci dit, je ne parle pas du tout portugais et c’est donc un peu chiant d’être là et ne pas savoir ce qu’il y a à faire dans le coin (le Lonely n’est pas exhaustif au sujet de Boa Vista). Mais je suis sûr que c’est une ville pleine de ressources…


En revanche il y a un impératif : obtenir la carte de tourisme de 2 mois pour le Venezuela. J’ai encore une fois de la chance car le consulat vénézuélien se trouve sur Benjamin Constant, à quelques cuadras.
Que je vous explique les cuadras, pour ceux qui ne savent pas. En fait, comme les villes américaines sont relativement récentes, on y a introduit, dès leur construction, un plan de circulation cohérent. Elle sont donc souvent basées sur un quadrillage dont les blocs sont les habitations ou les bureaux et commerces, et les lignes sont les rues. Chaque bloc est un cuadra. Ce qui fait que d’une rue à l’autre on parcourt UN cuadra. Et donc, quand on demande sont chemin, les gens vous répondent en vous indiquant le nombre de cuadra, et non le nombre de rue.


Quoiqu’il en soit, j’obtiens facilement et rapidement ma carte de tourisme. Je pars donc le lendemain pour le Venezuela.

 

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Je commence la journée par une longue marche pour sortir de la ville. Comme je l’ai mentionné un peu plus haut, je suis logé dans le centre. Je dois donc marcher 2 bonnes heure pour arriver enfin à un lieu propice au stop. D’ailleurs je suis même pris en stop par un gars en moto qui m’amène sur les 2 derniers kilomètres jusqu’au poste de police routière.


Ça aussi, ça mérite explication. En Amérique du sud, de manière assez générale, l’accès aux villes est géré par des postes de police routière qui perçoivent ou pas une taxe par les chauffeurs sur le point de traverser cette ville, et qui vérifient la cargaison et les passagers des véhiculent. Et donc, si l’on veut voyager en stop, hé bien c’est l’endroit que vous conseillent immanquablement les gens du coin. Et c’est donc du poste de police routière de la Br174 allant vers le nord que j’entame mon voyage vers le Venezuela.



C'est assez long avant qu’une première camionnette ne me prenne dans sa benne, mais c'est tellement agréable… Le soleil, le vent, l’inconfort des bidules entassés à mes côtés n’enlevant rien à mon bonheur.


Je dois vous dire,  et ceci s’adresse à ceux d’entre vous qui n’ont jamais voyagé en stop, que c’est un moyen de transport assez fabuleux. En effet :
1. On rencontre du monde
2. C’est économique
3. Ecologique (parce que l’on monte dans un véhicule dans lequel le chauffeur était en train de gaspiller du carburant pour une place NON prise… Quelque part, d’un point de vue écologique on lui rend service… Non ?)
Et puis même si les galères sont chiantes sur le moment, on s’en souvient toujours après comme un moment fort, et rarement négatif.


En parlant de galère, il faut savoir que plus on attend et plus on est heureux quand un véhicule s’arrête alors que l’espoir commence à diminuer. A ce moment là, on ressent comme une petite poussée d’adrénaline. C’est magique !


Bref, je me retrouve rapidement à mi-chemin entre Boa Vista et la frontière vénézuélienne, dans une espèce d’aire d’autoroute poussiéreuse (toujours cette terre rouge). En guise d’autoroute, on va dire que c’est plutôt une nationale. Il y a là une sorte de bar, genre relais routier du coin. Bien sûr, et je ne crois pas en avoir parlé, le climat est chaud, chaud, chaud. En effet, l’action se situe entre l’équateur et le tropique nord.


Je me désaltère donc autant que faire se peut. 


Ça fait bien une bonne heure et demie que je vois désespérément passer des camions et autres voitures, motos ou chevaux, quand deux gars qui viennent de boire un coup au bar me proposent de m’emmener au Venezuela. Je monte donc dans une vieille voiture rouge dont le pare-brise est fendu de part et d’autre. A chaque fois que l’on croise un véhicule, notamment un camion, les deux gars mettent la main sur le pare-brise et je dois dire que je mets un certain temps à comprendre pourquoi… En fait, ils essayent de prolonger la vie de ce malheureux pare-brise (et la leur… et la mienne !) qui pourrait voler en éclat à cause du déplacement d’air.



Ils me posent quelques questions mais mon niveau en portugais et en espagnol est encore trop faible pour que je puisse réellement converser avec eux. Au bout d’un moment ils semblent plus ou moins m’oublier et je m’en accommode bien, profitant du joli paysage. Nous traversons une espèce de plaine dont la végétation s’approche de la savane. Parfois l’on aperçoit d’énormes rochers, dont certains doivent largement dépasser les cent mètres de haut, sortir du sol comme de nulle part. L’un d’eux me fait même carrément penser à l'Uluru (le fameux rocher rouge en Australie), mais en gris celui-ci. Au loin se dessinent des montagnes peu élevées. En approchant je réalise qu’elles sont recouvertes d’une végétation apparemment assez dense. Nous ne sommes alors plus très loin du Venezuela.


Nous grimpons dans ces montagnes depuis environ vingt minutes quand le chauffeur ralentit soudainement avant un virage. Je comprends aussitôt que quelque chose cloche. Nous roulons au pas quand, à environ 300 mètres, juste dans le virage, je vois des voitures de police. Le chauffeur et son collègue les voient avant moi et déjà Ils ont entamé leur demi-tour. La voiture file à folle allure et je réalise, curieusement sans avoir vraiment peur, que je me trouve en plein dans une course poursuite entre la police brésilienne et … mes chauffeurs !
 

La voiture dévale littéralement la montagne, restant sur la route je ne sais comment, mais le véhicule de la Policia Federal gagne quand même du terrain sur nous. Finalement, le chauffeur décide de bifurquer dans une propriété dont l’entrée en pente se trouvant de l’autre côté de la route pourrait peut-être dissimuler la voiture avec un peu de chance.


Malheureusement, l’astuce ne fonctionne pas et la police entre dans la propriété quelques secondes après nous pour se garer juste à côté. Les deux agents nous font descendre de la voiture rouge et commencent à relever les identités de mes chauffeurs et la mienne. Je n’ose leur expliquer que je ne suis qu’un auto-stoppeur et que je n’ai rien à faire dans l’histoire. D’abord  parce que ce ne sont pas des rigolos les gars de la policia federal, ensuite parce que, d’une certaine manière je me sens gêné vis-à-vis des deux gars qui m’ont pris en stop, et, enfin, parce que mon niveau de langue ne me permet pas vraiment de me faire comprendre rapidement et clairement…
 

Ils font ouvrir le coffre aux deux gars et y trouvent, à ma grande surprise, mais pas la leur, de nombreux Jerricans. Je ne comprends pas tout de suite exactement ce qui se passe, mais je devine qu’il s’agit clairement d’un trafic quelconque. Après avoir parlé à nouveau aux deux gars, vérifié mon passeport et compris pourquoi je me trouvais dans cette voiture rouge avec mes deux trafiquants, les policiers me font remonter dans leur voiture et ordonnent à mes chauffeurs de les suivre.


Une fois arrivés au barrage, j’attends environ un quart d’heure avant de tenter quelque chose ! Je m’approche donc du policier qui semble être le chef et lui demande en portugnol ce qu’il va advenir de moi, pauvre autostoppeur qui n’a rien demandé d’autre que de pouvoir se rendre au Venezuela dans un véhicule qui ne soit pas forcément celui de petits trafiquants. Celui-ci, le plus naturellement du monde me répond que je peux partir, ce qui a pour effet, tout de même, de bien me soulager…


Avant de poursuivre ma route en stop je vais voir une dernière fois les deux gars en leur souhaitant bonne chance. Ceux-ci paraissent confiants et je comprends que les policiers les relâcheront après l’heure de fermeture des pompes à essence vénézuéliennes. Je suis rassuré.


Oui, car mes deux bienfaiteurs du jour sont juste de petits trafiquants d’essence. En fait, le Venezuela étant un très grand producteur de pétrole, l’essence y est très peu cher. Je crois que cela représente un huitième du prix de celle du grand voisin brésilien. Pas étonnant donc, que dans les régions frontalières se produisent de petits trafics de la sorte.


J’ai de la chance car l’on me prend rapidement en stop et j’atteins la frontière une petite demi-heure plus tard, à la tombée de la nuit. Je la franchit sans souci, marche un petit kilomètre, m’enfonce dans un terrain vague sur le côté gauche de la route et plante ma tante dans une petite dépression du sol à environ deux cent mètres de la chaussée afin de ne pas être vu. Après avoir mangé un sandwich et des petits gâteaux je me couche exténué mais heureux d’avoir atteint le Venezuela sain et sauf…

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