L'Amérique du Sud
Le Pérou
Cajamarca
Ce trajet entre Iquitos et Yurimaguas est, a priori, mon dernier voyage en bateau sur l'Amazone, et ça se passe plutôt bien. Il y a, outre les cochons et autres volatiles habituels, quatre perroquets dont trois parlent et l'un d'eux nous fait mourir de rire car il nous imite en train de rire, cercle vicieux hilarant. Il y a aussi trois singes (ça, c'est pour le côté exotique). Parmi eux, Manolo, un adorable petit "Choro" (les spécialistes en simiologie hispanophone sauront-ils me dire s'il existe une traduction en français ?) a pris la malicieuse habitude de me pisser dessus a chaque fois qu'il vient sur moi. Bref, ça se passe bien... Et puis, ça ne dure que trois jours...
A Yurimaguas, je rejoins le réseau. Peut-on appeler un chemin de cailloux (avec un peu de terre) a travers les montagnes le réseau routier ? A cette question piège je réponds d'un "NON" franc et massif, ainsi que le reste de ma personne et particulièrement mon dos et mes fesses. Ma méprise me vaut cinq heures debout ou assis sur des planches a l'arrière d'un pick-up plein à craquer sur le dit chemin. Enfin !
Trois jours à Tarapoto, à gratter pour les clients d'un bar d'admirateurs des Beatles, subtilement baptisé : "Sargento Pimiento", et à discuter avec des gens sympas, notamment du terrorisme qui, dix ans en arrière, a rendu la région invivable. Deux jours a Moyobamba, la ville des orchidées. Plus de 2000 espèces d'orchidées différentes poussent dans les environs de Moyobamba. Une
visite au "viveros" m'a permis d'enrichir mes (faibles) connaissances en orchidées et, accessoirement, de tenir dans mes petits bras musclés un petit caïman d'environ un mètre de long.
Ensuite, Chachapoyas, une charmante petite bourgade a 2500m d'altitude, puis El Tingo. El Tingo se situe a 1650 m et c'est a 3H30 de grimpette dans les montagnes d'une forteresse pré-inca, vieille d'environ mille ans, et bâtie par les Sachapoyas à 3000 mètres : la forteresse de Kuelap. La montée m'épuise carrément, mais là-haut, quel spectacle ! Outre la forteresse, dont on se demande comment ils pouvaient déplacer les énormes blocs de pierre a cette altitude, le panorama et superbe.
Après cette première vraie étape archéologique, je me dirige vers Leymabamba. Là, le musée étant en rénovation, la collection de 219 momies sachapoyas vieilles de 600 a 1000 ans, et superbement conservées, se trouve dans une petite pièce d'une vieille maison en attendant le transfert dans le nouveau musée. Résultat, je peux voir de très près ces momies qui sont un véritable trésor archéologique.
Et je ne suis pas au bout de mes surprises dans cette région des Andes orientales du nord du Pérou. En effet, le lendemain je reprends la route en bus en direction de Celendín. Celendín ne se trouve qu'a une cent-cinquantaine de kilomètres de Leymabamba et je dois vous avouer que, jusqu'à ce que je vois la route, je me demandais pourquoi les gens du bus m'avaient dit qu'ils nous faudrait dix heures pour pour y arriver. La route, un autre chemin de terre, monte a plus de 3000 m, a travers les montagnes et un paysage fabuleux. J'avais hâte de voir les Andes, je peux vous dire que je suis servi. Un panorama exceptionnel ! Et dire que la région ne figure même pas dans mon guide, enfin ! Ceci dit, j'ai eu un peu peur. Le chemin, (comme il est convenu de l'appeler) paraît parfois moins large que le bus, et quand il borde un précipice, ça n'impressionne pas qu'un peu. Les virages intérieurs, dans les nervures de la montagne, sont à peine assez grands pour le bus, et, par moment, il me semble que nous coupons sur le vide!
A peu près à mi-chemin, une coulée de boue nous stoppe dans notre élan chaotique de 15 kilomètres heure. Pelles, pioches et piolets à la main nous voici (une bonne partie de la population masculine et adulte du bus, n'y voyez aucun machisme mesdemoiselles !) à déblayer la route. Malheureusement, encore plus de pluie nous coupe dans notre élan de 15 pelletées a l'heure, et nous force a nous réfugier dans le bus. Je comprends alors qu'il s'agit plus d'une question de jours que d'une question d'heures.
Avec quelques autres nous descendons donc à pied vers le (miraculesement proche) village suivant. Par chance, un camion nous emmène jusqu'à Balsas, un petit village au fond de la vallée. Pour vous donner un exemple de la solidarité ici, quand nous croisons un camion qui monte et qui ne parvient pas à franchir une autre coulee de boue (alors que notre champion de chauffeur l'a passé sans probleme! Il faut dire que nous, on descendait). Nous aidons et attendons d'être certains qu'il soit passé pour repartir.
Après une nuit à dormir devant l'unique restaurant (relais routier) de Balsas, nous repartons pour Celendín, encore sur une route extraordinaire, un peu moins dangereuse mais qui monte encore plus haut (3300 m), avec toujours des précipices et des paysages à vous couper le souffle. De Celendín, un autre combi en direction de Cajamarca. Nous crevons en début de trajet, dans une montée, et l'assistant du chauffeur doit descendre pour réparer. Le reste du trajet, en dépit de la vitesse parfois excessive de notre chauffeur sur une route de montagne, se déroule sans encombres. Mais, à la fin, en entrant (triomphalement) dans Cajamarca, le minibus perd sa roue arrière gauche. La roue que l'assistant a changée. Il a dû mal resserrer les boulons. Et nous nous retrouvons donc sur trois roues.
Heureusement, plus de peur que de mal, car nous sommes en ville et ne roulons pas vite. Le pire, c'est pour le chauffeur qui va se faire engueuler par son patron. Ceci dit, je n'ose à peine penser à ce qui se serait passé si nous avions perdu la roue alors que nous roulions à toute berzingue au bord de ces innombrables précipices durant les heures précédentes... Surtout que, au vu de toutes les carcasses qui rouillent en contrebas, nous n'aurions pas été les premières ni les dernières victimes de cette route mortelle...
Cajamarca et l'une des plus belles villes du Perou (d'apres les guides), et ce ne sont surement pas des mensonges. C'est joli comme tout. Historiquement, c'est très riche. C'est ici que les espagnols ont capturé et exécuté le dernier grand chef Inca : Atahualpa. Celui-ci fit payer sa rançon. Il devait faire remplir une pièce (el cuarto del rescate) une fois avec de l'or et deux fois avec de l'argent. En dépit de leur promesse, les espagnols l'exécutèrent quand même. Cette pièce existe encore aujourd'hui et se visite.
Prochaine étape : Trujillo, troisieme vile du pays, sur la côte. Ce qui signifie que je vais retrouver la chaleur, le soleil, et, surtout, voir enfin le fameux Pacifique.