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Le Venezuela (2)

Merida, Choroni, Salto Angel et la sortie...

​​Le Stop se passe plutôt bien puisque je parcours les 300 Kms qui me séparent de Caracas dans la journée. J’arrive en fin d’après-midi dans la capitale vénézuélienne. Il faut dire que tous les  gens qui m’ont parlé de Caracas, notamment les touristes anglo-saxons que j’ai rencontré, m’en ont fait une description apocalyptique. Du genre il y a des bandits à chaque coin de rue, armés de pistolets, prêts à me dépouiller de tous mes biens (le pauvre… !) et même de la vie si je les fais chier.

 

Résultat, ils m’ont convaincu de ne pas m’attarder dans cet enfer urbain. Ceci dit, depuis que j’ai perdu mon gros guide Lonely Planet, je me dis qu’il va falloir que j’en achète un autre, notamment pour le Pérou. Je prends donc sur le peu de temps que je vais passer à Caracas pour trouver une librairie dans un grand centre commercial et je fais l’acquisition, en désespoir de cause,  du Let’s Go : Peru-Ecuador. Le fait que ce soit un guide nord-américain ne me laisse rien augurer de bon, mais c’était le seul dans la tranche de prix qui me correspondait : la plus basse, et qui traita du Pérou et de L’Equateur, mes deux prochaines destinations.

 

Ensuite, alors que la nuit recouvre déjà Caracas, je prends le métro, de facture française, et me demande, au vu du ticket que l’on me vend, si je n’aurais pas pu utiliser ma carte orange. Je me demande aussi s'ils ne recyclent pas les vieux tickets jaunes de la banlieue parisienne, car ce sont les mêmes, d’aspect du moins, que mes bons vieux Porcheville-Paris… Et j’arrive au terminal de bus d’où je prends ce soir même un bus pour Mérida, dans la Sierra.

 

Le voyage se passe bien. Le bus n’est pas plein et j’en profite pour m’étirer et dormir sur TOUTE la banquette. Ma voisine de devant est sympathique, en plus d’être mignonne. Elle vit à Mérida. Quand nous arrivons c’est son copain venu la chercher qui me dépose à la Posada Alemania.

Je me trouve donc à Mérida. Mais qu’est-ce qui m’a fait venir ici d’abord ? Eh bien, avant que je ne le perdisse, j’avais lu dans mon guide que cette ville était un petit paradis perché à 1300m sur une espèce de "table" et au pied du Pico Bolivar, 5007m, sommet du Venezuela et jouissant d’un climat tropical légèrement rafraîchi par l’altitude, le rendant ainsi bien plus que supportable. Et si l’on ajoute à cela le plus grand téléphérique du monde, qui monte à presque 4800m sur le Pico Bolivar, l’attrait était trop grand pour moi : il fallait que j’y aille.

 

Pour mon premier jour sur place, je fais le tour du centre ville et m’attarde sur les petites places où les palmiers contrastent avec les sommets enneigés toujours visibles. La Posada Alemania est principalement occupée par des allemands, suisses allemands, autrichiens, anglais ou scandinaves. Je ne me mélange pas trop, pas par refus, mais parce que l’occasion ne se présente pas. Je crois que lorsque l’on est seul on renvoie une image d’asocial. Enfin, j’ai l’impression que tous ces touristes, pour la plupart anglo-saxon, ne voyagent qu’en couple ou entre potes. Pour l’instant je n’ai rencontré personne voyageant aussi longtemps tout seul. Bien sûr, je sais que ça existe, qu’il y en a qui voyagent des années tout seul, mais, vraiment, ce n’est pas la règle. Et le fait de voyager tout seul fait que l’on est différent et, qu’au final, des deux côtés peut-être, on ne se trouve pas le point commun du voyage qui, en général, fait que l’on noue des liens avec d’autres voyageurs au long de son périple. Bien sûr, il y a des contacts. Je ne fais pas mon autiste, je parle avec les gens dans la cuisine, ou ailleurs, mais c’est toujours très superficiel et ça ne va jamais plus loin que des politesses ou, pire, des banalités sur nos itinéraires et professions respectives…

 

Le lendemain je décide de m’acheter une guitare. Elle est assez chère, genre 450FF, mais relativement légère, ce qui est cool pour voyager. Il faut dire que depuis le gars Dimitri et sa guitare de voyage, je ne pense qu’à m’en procurer une à MOI. Ensuite, je passe près d’un endroit où il y a des artisans vendant leurs colliers et autres bijoux, ainsi que des peintres et caricaturistes. Et comme je chante en français à côté d’eux, outre des sourires d’approbation je récolte en plus un billet de 5000 bolivares (env. 50FF) par un couple de retraités américains très gentils avec qui je parle un peu. Ce sont des gens qui, avec leurs économies, ont acheté un bateau et, depuis, se baladent autour du monde. La belle vie quoi…

 

Je fais aussi connaissance avec un peintre belge, francophone, ce qui m’arrange bien car, bien qu’en progrès, je ne suis pas encore au point rapport à l’espagnol.  Ça fait un moment qu’il bourlingue en Amérique du Sud et s’y plait bien. On rigole et chante un peu et je prends congé du sympathique bonhomme.

 

En rentrant à l’auberge, je m’arrête  sur les marches du conservatoire de musique où des jeunes grattouillent un peu aussi. Il y a là notamment un couple qui chante de fort jolies chansons. La plus jolie, Vivir Sin Aire, est l’œuvre du groupe Mana, des mexicains que je ne connais bien sûr pas, à la grande surprise de ces sympathiques jeunes gens. Je réalise alors que, vraiment, la musique hispanophone n’arrive pas du tout en France, en tout cas pour le grand public. Cela nous prive tout de même de la musique d’un continent entier, enfin, presque… Je vais m’intéresser de plus près à la chose et essayer d’apprendre des chansons en espagnol afin d’enrichir un peu mon répertoire.

 

Le lendemain, j’ai prévu d’aller sur le Pico Bolivar. A la Posada Alemania j’ai rencontré une autrichienne et deux suissesses (allemandes, bien sûr…) qui y vont aussi et  nous allons donc y aller ensemble. Nous prenons le téléphérique vers les dix heures du matin. Le téléphérique, le plus grand et plus haut du monde, se divise en quatre tronçons. Le départ se trouve à Merida (1640m) et l’arrivée en haut du Pico Espejo à 4765 mètres,  à la fin du quatrième tronçon, et ce, sur un parcours de 12,5 Kms.

 

Il parait que le temps est souvent nuageux et que l’on ne peut pas toujours profiter au maximum du fabuleux panorama de là-haut. Et ben nous avons de la chance parce qu’il fait un soleil à vous rôtir un Lionel. Heureusement, depuis la plage de Kourou je me protège avec une crème solaire d’indice 60, je ne savais même pas que ça existait avant, mais c’est top  efficace.

 

Bref, Après trois changements et une bonne heure de grimpe nous voici tout en haut. Évidemment, la vue est superbe. En fait la vue de Merida, aussi sympa soit-elle, ne peut rivaliser avec celle que l’on a de l’autre versant. Parce que la vallée d’à côté, elle, se trouve sous les nuages, et nous avons donc droit au spectacle d’une mer de nuage baignée d’un généreux soleil et ça, ça vaut le coup d’œil !

 

Je ne souffre heureusement pas du mal de l’altitude et j’en suis fort aise. En revanche, je ne me vois pas cavaler à droite à gauche. A une telle altitude, sans avoir eu de temps d’adaptation, on fait trois pas et on les sent passer. Je prends quelques photos mais, étrangement, pas la mer de nuages… Après nous être un peu gelé les fesses là-haut, une bonne petite heure, et avoir bien profité de ce panorama sensationnel, nous reprenons le téléphérique avec mes trois compagnonnes de la journée. Après seulement un tronçon, c'est-à-dire en haut du troisième, nous décidons de faire le trajet jusqu’au numéro deux à pied. Jolie petite balade durant laquelle nous pique niquons et prenons une photo d’un bon souvenir. Puis nous reprenons le téléphérique sur les deux derniers tronçons et redescendons  jusqu’à Merida.

A l’auberge, un petit incident met subjectivement fin à la moyennement bonne opinion que j’avais de la Posada Alemania. On a tapé dans mon Coca et on ne m’en a même pas laissé…  Bien sûr la perte du Coca en question n’est pas d’une importance capitale, mais le fait qu’il soit trop tard pour aller en racheter et le fait que je me faisais un plaisir de me siffler ce qui me restait de Coca fait que je suis passablement énervé et déçu. En plus c’est quelqu’un du staff de l’auberge qui m’a taxé. Le lendemain le patron de l’auberge va gentiment me racheter une bouteille neuve, mais ma décision est prise : je pars.


En toute honnêteté, le coup du Coca est bien tombé car il m’a servi de prétexte pour partir de l’auberge. En fait, je la trouvais trop chère et m’étais rendu compte qu’à deux cuadras se trouvait l’hôtel Italia, bien moins cher. L’autrichienne aussi veut partir. Et comme ce n’est que pour une nuit, pour des raisons bassement économiques, nous décidons de prendre une chambre  ensemble.


Le lendemain la demoiselle se sauve car son bus est assez tôt. Pour ma part je vais prendre un bus local pour sortir de la ville, et je peux donc m’autoriser une mini grasse matinée. Enfin je décolle de Merida. Je commence le stop vers les 11H. On ne peut pas dire que le succès soit vraiment au rendez-vous…  Je dois même dire que c’est le contraire. Je passe une bonne partie de la journée sans que PERSONNE ne daigne m’emmener. Je pensais que la guitare me faciliterai les choses en stop, eh ben c’est pas gagné. En attendant je marche, je marche. Je fais des poses, et je continue à marcher. Au final j’ai bien dû faire une dizaine de kilomètres à pied, chargé comme un mulet que je suis. Et, vers les 17 heure, je me rends à l’évidence : je dois rebrousser chemin et prendre un bus. C’est donc ce que je fais, la mort dans l’âme, en me voyant parcourir en bus en moins de 10 minutes ce qui m’a pris huit heures d’effort sous le soleil cognant.


Je prends un bus de nuit pour Maracay. J’y arrive assez tôt le matin et prends directement un autre bus pour Choroní  sur la côte, dans le parc national Henri Pittier. Je suis tellement endormi que j’en oublie presque ma nouvelle guitare dans le bus qui m’amène de Merida ! Le voyage de Maracay à Choroní dure deux heures et demie et m’impressionne au plus haut point. L’on monte assez haut avec le bus, dans des montagnes couvertes d’une végétation tropicale très dense. Je crains aussi pour ma vie à cause du bord de la route que je trouve toujours trop près lorsque je suis en bus sur une route de montagne. En fait, la montagne n’est pas si haute que cela, mais ça monte assez raide. On passe donc une espèce de col et je peux enfin revoir les caraïbes au loin. Puis nous entamons une redescente plus tranquille pour enfin arriver à Choroní.

Alors ! voilà, Choroni  est un petit village colonial, vieux de plus de 300 ans avec de jolies maisons aux couleurs pastelles, en plein dans le plus vieux parc national du Venezuela, le parc Henri Pitier, du nom de celui qui a fait mettre en place le système des parcs nationaux au Venezuela, Autrement dit : un grand  bonhomme. Ce village est jouxté par le petit hameau de Puerto Colombia, un minuscule port de pêche doté d'une superbe plage et de nombreuses posadas pour les touristes.

 

En arrivant à Choroní, je me mets en quête d’un logement… Le tour des posadas est rapidement effectué (en partie à cause du poids de mes bagages…) et je décide d’aller voir vers la plage s’il n’y aurait pas moyen d’y camper.Il y a effectivement 2 tentes en retrait de la plage et je décide donc de planter la mienne. Le gros inconvénient du truc c’est que je ne vais pas trop pouvoir m’éloigner si je ne veux pas qu’on m’en allège. Bon, de toutes façons, je verrai bien, pour l’instant je suis un peu fatigué par ma nuit de bus et j’ai une grosse envie de me baigner dans ces grosses vagues bleu clair.

 

Aussitôt dit, aussitôt fait ! J’ai monté ma tente en 5 minutes et hop, je suis dans l’eau qui est bien chaude comme il faut. Je garde tout de même un Å“il sur ma tente et mes affaires précieuses, notamment ma grosse banane avec tout dedans. Mais, bon, les vagues sont immenses, un peu comme à Rio Caribe, et le décors magnifique, alors tout baigne, surtout moi ! En fait, la plage, assez longue, peut-être un kilomètre, se trouve entre deux belles collines venant se jeter dans la mer. Enfin, celle de droite, lorsque l’on est sur la plage et que l’on regarde vers la mer, est plus une montagne qu’une colline. Celle de gauche, en revanche, ne doit faire qu’une centaine de mètre de haut et sépare en fait la plage du reste de Choroní.

 

Derrière ma tente, il y a un gars, vénézuélien sans doute, avec sa copine, qui parait la moitié de son âge, et qui m’a l’air trop gentil pour être honnête. Dès que je suis arrivé, il m’a longuement maté pendant que je plantais ma tente et est tout de suite venu me proposer de garder mes affaires si je voulais aller faire un tour dans Choroní. Il n’a probablement pas de mauvaises intentions, mais bon, je ne peux pas hypothéquer mon voyage sur de bons sentiments. Tant que je ne suis pas sûr, je ne peux faire confiance à personne : local ou autre touriste/voyageur. Ainsi, je mets toutes les chances de mon côté pour qu’il m’arrive le moins de désagréments possibles.

 

Dès le samedi matin je vois débarquer la classe moyenne de Caracas qui n'est qu'à trois heures de route, et qui, tous les weekends, se rend à Puerto Colombia pour profiter de la plage, la dégrader (les gens ici jettent n’importe quoi n'importe où, ce qui est plutôt crade à la longue...) et se saouler. Heureusement, ils ne sont là que le weekend, et la semaine le village redevient peinard. Et, curieusement, les touristes  européens, pourtant nombreux, ont des attitudes relativement correctes (si l'on excepte les tchèques qui sont  bourrés et foutent le bordel tous  les soirs...).

 

Je rencontre deux Français : Laurent et William, très sympas. On discute pas mal. Eux sont déjà allés en Inde ensemble, au Cambodge et en Thaïlande. Laurent doit avoir dans les 37 ans et William à peu près mon âge. Ã‡Ã  me fait plaisir d’avoir un peu de compagnie francophone.

 

Les journées passent tranquillement, entre baignades, Hamac (tendu entre les deux cocotiers au dessus de ma tente), moustiques et agua de coco, avec tout de même quelques petites anecdotes. Par exemple, deux jours après être arrivé j’ai retrouvé l’autrichienne, au bout de la plage. Coïncidence ! Je rencontre aussi des jeunes dans une épicerie, en train de jouer du cuarto, genre de ukulélé (petite guitare à quatre corde, typique des Caraïbes) Il m’apprennent en vitesse un petit morceau, basé sur 4 accords (différents de ceux de la guitare) et l’on échange nos instruments le temps d’une photo souvenir.

Les deux derniers soirs de ma semaine sur place, je sympathise avec un guitariste allemand et son pote irlandais que j’impressionne par ma connaissance assez large des standards de musiques de pubs irlandais. Bon, avoir vécu à Liverpool ça cultive, non ? Eux deux aussi m’impressionnent ! L’allemand ça fait onze ans qu’il sillonne l’Amérique du Sud et l’irlandais un peu moins, mais bon… Ils m’expliquent que la gratte dans les rues ça peut marcher mais pas partout… Et notamment pas vraiment au Venezuela. Bah, tant pis ! On en est tout de même quitte pour deux bonnes soirées gratte et biniou sur la plage avec quelques gars du cru et des touristes tchèques. J’ai sympathisé avec ces derniers en leur montrant crânement mes restes de tchèque du temps ou c’était mon option à Nanterre, avec une prof si gentille qu’elle ferait passer le père noël pour une ordure...


D’ailleurs, les cinq tchèques ne sont en fait que quatre. Enfin, je veux dire quatre garçons et une fille… Cette (charmante) dernière termine un peu bourrée parce que c’est son anniversaire. William aussi d’ailleurs, qui n’a pas besoin d’un tel prétexte lui. Sur ces entre-faits, du fait de son état, William et moi faisons un peu trop de bruit alors que Laurent essaye de dormir sur la plage. Ã‡a l’énerve passablement et, le lendemain, il nous fait la gueule. C’est dommage car ils s’en vont tous les deux et ça se termine un peu en queue de poisson… Tant pis, ils étaient bien sympas.


Je retrouve aussi Dimitri le dernier jour que je passe à Choroní.  Ce dernier m’avait dit qu’il viendrait dans le coin vers cette époque et je pensais bien pouvoir le croiser. Voilà qui est fait. Et, en parlant de coïncidence, en voici une belle. En effet, Dimitri a retrouvé des amis français venu le voir en Amérique du Sud. Ces derniers  sont passés par Merida avant de retrouver Dimitri à Choroní.  Eh bien, le fameux jour où je me suis tapé 7 heures de stop infructueux, ils me sont passés devant (leur voiture était pleine m’ont-ils affirmé) et m’ont vu. Ils ont même déliré sur moi car j’avais ma guitare en bandoulière. Eh oui, quand je fais du stop et que, donc, je m’ennuie un peu, je grattouille, ça me détend…. Et eux, voyant un gars avec un sac-à-dos plus gros que lui, en train de faire du gratto-stop, ça a alimenté leur délire pendant un bon quart d’heure. Tant mieux pour eux… Bon, et puis ils sont sympas. Tout comme Laurent et William auparavant, ils me proposent la douche de leur hôtel que je me fait un plaisir de prendre.


Après ces retrouvailles furtives avec le gars Dimitri je prends un bus pour Maracay, avec les tchèques. Une fois dans le terminal de bus de Maracay nous nous séparons, eux allant sur Merida, et moi sur Ciudad Bolivar d’où je me rendrai peut-être à Salto Angel si ce n’est pas trop cher…

En arrivant à Ciudad Bolivar, je vous avais dit qu’il avait même une ville, un peu comme Lénine et Staline dans l’Ex-URSS ou bien George aux Etats-Unis… Donc, en arrivant à Ciudad Bolivar, je me mets en quête d’un hôtel pas cher que je trouve rapidement avec l’Hostal Italia. Ensuite, je fais le tour des agences de tourisme proposant l’excursion vers Salto Angel, et me rabats finalement sur l’agence de l’Hostal Italia qui, en plus, pourra me garder les affaires que je n’emmènerai pas.  Je réserve finalement une place pour le lendemain.

 

C’est une excursion de quatre jours. Départ en petit avion vers 9H de Ciudad Bolivar. Arrivée à Canaïma. Repas et départ en pirogue pour remonter la rivière jusqu’à une île où l’on passe la première nuit. Le jour suivant on remonte la deuxième partie de la rivière, on se rend au pied de Salto Angel et l’on redescend la rivière jusqu’à l’île. Enfin, le jour suivant on rentre à Canaïma pour reprendre l’avion jusqu’à Ciudad Bolivar. En tout cas, ça m’a l’air tip-top. Et même si c’est relativement cher : 190 USD, je me dis que c’est bientôt mon anniversaire, dans une dizaine de jours, alors bon… Et puis ce serait bête d’être dans le coin et ne pas en profiter, on ne vient pas tous les jours au Venezuela.

 

Bon, d’abord, l’avion. Un petit avion de 4 places où je me retrouve avec un autrichien qui n’aime pas les chiens… Moi j’aime pas les autrichiens qui n’aiment pas les chiens… et pas seulement les autrichiens ! Je n’aime pas les gens qui n’aiment pas les chiens. Une petite heure de vol au dessus du lac artificiel formé par les fleuves Paragua et Caroni et le barrage de Guri, et nous voici à Canaima dont la piste d’atterrissage au milieu de la terre rouge me rappelle mon arrivée à Cayenne.  Bon, là c’est un peu différend tout de même, je suis au Venezuela et je vais voir, d’ici demain, la plus haute cascade du monde.

 

Après la formalité du droit d’entrée dans le parc national de Canaima, l’on nous sert un repas dans une sorte de cabane en attendant que tout soit prêt pour le départ. Comme j’ai amené ma gratte, je grattouille un peu et me fais, du coup, quelques nouveaux amis, parmi lesquels un couple de jeunes new-yorkais plutôt sympas.



Ensuite, nous partons. Première chose, on nous fait embarquer dans des pirogues à moteur hors-bord afin de traverser un premier étang. C’est assez fatal car on passe au pied d’une jolie chute d’environ une vingtaine de mètres de large et peut-être une dizaine de haut. Puis, on accoste. Il faut alors marcher jusqu’à une autre cascade du même type que la première, voire même un peu plus large. Sauf que celle là, on ne passe pas «au pied» mais à travers. Il faut donc mettre les affaires dans des sacs poubelle pour les protéger de la forte humidité ambiante… je protège ma guitare du mieux que je peux avec mon poncho imperméable des stocks de l’armée britannique que j’ai eu la bonne idée de me procurer lorsque j’étais encore à Liverpool.

Donc, le principe, c’est de se tenir à une corde fixée à la paroi derrière la chute et marcher sur un sentier de roche mouillée d’environ 30 cm de large en se prenant des trois mètres cube à la seconde sur la tête ! Le pied quoi ! Moi qui avait peur que ce soit un truc un peu gnangnan cette excursion, je suis servi… Et tant mieux.

Après la cascade, il faut grimper un tout petit peu par un chemin tout simple pour arriver au niveau de la rivière qui, en se jetant dans le petit lac d’en dessous forme la chute que l’on vient juste de traverser. Une fois sur la rive une autre pirogue, avec le même guide et le même barreur, nous emmène vers Salto Angel. Il faut dire que l’on remonte la rivière et qu’en cette saison, fin novembre, il y a peu d’eau, ce qui rend les manœuvres du barreur assez difficiles. Je dois dire que ce dernier m’impressionne. On passe dans des endroit où le la coque de la pirogue gratte les cailloux du lit de la rivière mais n’abîment pas l’hélice du hors-bord !

 

Un peu plus tard, tout de même, l’on doit descendre et marcher une petite demi-heure afin que les pirogues et les piroguiers, allégés du poids total de nos grosses fesses de touristes, puissent franchir un passage vraiment corsé. Sur le chemin je tombe sur une colonne de fourmis traversant insouciamment NOTRE sentier.


Je fais aussi la connaissance d’un autre membre de l’excursion en la personne d’un argentin d’une cinquantaine d’années accompagné de son fils qui n’en n’a pas dix. Bien sûr, quand il me demande ce que je fais et pour combien de temps je suis ici je le surprends un peu en lui répondant que bon : un an et demi, deux ans, et que je compte bien visiter une bonne partie de l’Amérique du Sud. Alors, il me parle de l’Argentine et notamment d’un glacier en Patagonie dont je ne retiens pas le nom sur le moment mais qui, d’après lui fait partie des immanquables non seulement de son pays, mais aussi de tout le continent. Je lui promets de me renseigner et d’y aller si ça vaut tant le coup que cela.


Ayant tous repris place dans la pirogue, le reste de l’après-midi se passe sans incident majeur. Nous remontons la rivière à travers un paysage composé principalement d’eau et d’arbres. Heureusement, des tepuys ponctuent l’horizon, ce qui nous donne des points de repère forts utiles pour celui qui essaye de comprendre un peu ce qui se passe sans uniquement se faire conduire comme un mouton dans les pâturages, ce qui est quand même mon cas.

 
En fin d’après-midi, nous arrivons sur la petite île qui sera notre lieu d’hébergement pour les deux nuits à venir. En gros, il y a une table, un toit et des poteaux où sont tendus les inévitables hamacs. Pour me la péter un peu j’installe le mien… nous sommes quelques uns à nous baigner dans le bras mort de la rivière qui est assez chaud, avec toutefois à l’esprit les blagues de certains sur les éventuels piranhas qui pourraient nous dévorer. Puis, toute cette petite troupe se couche, et, fait rarissime, je ne suis pas le dernier.

 

Le jour suivant est un grand jour ! Aujourd’hui, je vais voir le Salto Angel ! Mais d’abord, qu’est-ce que ce Salto Angel. Il s’agit en fait d’une cascade dont la hauteur se situe, selon les estimations, entre 972 et 1002m. Ce qui fait d’elle, y compris si l’on prend son estimation la moins grande, la plus haute cascade du monde. Le phénomène s’explique par le fait qu’un petit cours d’eau se soit formé en haut de l’Auyantepuy, et donc, en arrivant au bord : il tombe ! Une cascade d’un kilomètre de haut, ça a quand même une sacrée gueule ! En tout cas, sur le papier. Parce que, dans la réalité ce n’est pas toujours le cas. Il paraît que l’endroit est très souvent nuageux et qu’il est somme toute assez rare de voir le haut de la cascade, ce qui est un peu ennuyeux… Et c’est vrai que la plupart des trois photos que j’en ai vu avant laissent penser que le coin est plutôt nuageux. Enfin, je compte sur ma bonne étoile pour que la météo soit clémente.


Tant qu’on est dans les explications, voici la raison du nom de Salto Angel. Pour Salto, c’est assez simple, ça veut dire : saut, en espagnol, mais aussi dans le sens du saut d’une rivière, d’où, par extension, chute d’eau ou cascade. Maintenant Angel. Nous autres français pensons immédiatement au saut de l’ange… Eh ben Non ! En fait, avec Angel, il est fait référence on patronyme d’un aviateur des années trente, s’appelant Jimmy Angel. Le Jimmy en question cherchait de l’or dans la région. Il atterrit donc au sommet du tepuy. Le seul problème fut qu’il ne put re-décoller et dû redescendre à pied. Rappelons tout de même que les tepuys sont des montagnes tables dont les parois sont abruptes, et que celui-ci fait environ un kilomètre de haut. Il rejoint la civilisation au terme d’un trek de onze jours à travers la forêt tropicale pas spécialement hospitalière. D’ailleurs, un truc qui ne me vient à l’esprit qu’aujourd’hui, mais… Qu’est-il advenu de son avion ? Est-il toujours là-haut ?


Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, je vais voir ça et j’en suis tout excité. Vers les 9H on commence le trajet en pirogue pour arriver aux alentours de midi à l’endroit où l’on va manger. Je dois dire que le piroguier m’a encore plus impressionné qu’hier, parce que nous sommes passés dans des endroits vraiment pas faciles. Je me rappelle qu’à l’agence, l’un des arguments du bonhomme chargé de me balancer ses arguments en chaîne afin que je finisse par prendre son tour plutôt qu’un autre, était la compétence de ses piroguiers locaux, indiens, qui allaient me faire remonter une rivière en franchissant plus de soixante-dix rapides. Et c’est ce matin que j’ai vraiment compris le pourquoi de tout ça. Parce que dans les rapides, ce qui fait que ce sont des rapides justement : ce sont les pierres. Et nous, dans notre pirogue à moteur hors-bord on franchit ça sans se rendre bien compte qu’à chaque fois c’est une prouesse hallucinante.


Plusieurs fois au cours de la matinée, j’ai cru reconnaître le fameux Auyantepuy d’après ce que j’avais en tête de mes trois photos mémorisées de l’agence, mais ce n’étaient que de fausses alertes. En revanche, peu avant que nous accostions l’on aperçoit enfin la cascade. C’est assez loin, il n’y a pas tant d’eau que ça mais quand même, ce n’est pas le filet que les mauvaises langues décourageantes m’avaient prédit à Choroni. Quoiqu’il en soit, c’est grand et très impressionnant. L’on mange rapidement afin d’entreprendre la marche d’une heure à travers la forêt et qui nous amènera au pied de la cascade où les courageux pourront se baigner.


Le guide, très sympa et assez jeune, nous explique deux ou trois choses sur l’histoire de Jimmy Angel mais également sur la faune et la flore locale. Par exemple, il nous parle de ces fourmis grosses comme le pouce et dont la morsure est très douloureuse. Il nous explique aussi qu’un des rites initiatiques de tribus du coin était  d’attacher un futur homme à un arbre habité par ces fourmis et que celui-ci devait affronter et survivre à l’épreuve. D’ailleurs, afin de nous montrer quelques spécimens il tape sur un tronc d’arbre qu’il connaît bien et quelques secondes après surgissent trois énormes fourmis.


Nous poursuivons notre chemin jusqu’au pied de la cascade. Et là, c’est fatal. Parce que, je ne vous ai pas dit, mais il fait beau aujourd’hui. Le ciel est bleu et ce ne sont pas les quelques moutons qui passent  qui vont m’empêcher de faire de jolies photos et d’apprécier le spectacle grandiose qu’offre cette cascade à nos yeux ébahis. Je n’exagère rien. Nous sommes tous sous le charme. Personnellement j’ai un faible pour le grandiose : les cathédrales, le Titanic (depuis bien avant le film !), la tour Eiffel, etc. Et c’est vrai que là, question grandiose, je suis servi.

 
L’on peut même se baigner dans une eau relativement froide, mais bon, c’est pas tous les jours où l’on peut se baigner au pied de la plus haute cascade du monde… Et donc, je me jette à l’eau. Il y a même une espèce de toboggan naturel que je dévale inconsciemment. Enfin, après une petite heure sur place nous regagnons la rive, disons au revoir au Salto Angel et embarquons à bord de nos pirogues pour un retour émerveillé vers l’île. Une nuit de plus et le lendemain nous rentrons à Canaima d’où je prends un avion un peu plus gros qu’à l’aller, après avoir pris congé du guide et des autres participants à l’excursion, en direction de Ciudad Bolivar. Une fois sur place, je prends un bus pour la frontière avec la Brésil que j’avais passé environ cinq semaines plus tôt à Santa Elena De Uairèn. J’y arrive le lendemain matin.

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