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Le Pérou (4)

Limagine all the people

Ici, à Lima, tout roule pour le mieux en ce qui me concerne. J’ai bien dit : "en ce qui me concerne", car pour le reste du Pérou cette affirmation optimiste relève du domaine de l'onirique. Que je vous raconte donc un peu le profil du pays, vu d’ici. Comme un peu partout, un fossé énorme entre l’ultra minorité de riches et la grande majorité de pauvres (à laquelle n’oublions pas d’ajouter l’autre grande majorité : les très pauvres). Des infrastructures en plus mauvais état que la plupart des superbes ruines incas ou pré-incas que comptent le pays. Une économie privatisée et ultra-libérale comme dans les plus rêves les plus fous de Mrs Thatcher, avec les conséquences que l’on peut facilement deviner : normes de sécurités avoisinant le zéro absolu dans bien des secteurs, notamment les transports, fermetures de la ligne de train la plus haute du monde (un passage a 4800m), qui faisait partie du patrimoine culturel péruvien mais n’était pas assez rentable (quoique beaucoup plus sûr que les bus). Des micro-bus faisant les trajets interprovinciaux qui se cassent la figure dans les montagnes (au moins un par jour dit-on...), en raison de leur mauvais état ou de celui des routes... 44 % des équipements des hôpitaux privés obsolètes ou en mauvais état, etc… Des horaires de travail rappelant aussi le moyen-âge : 11, 12, 13 voire 14 heures par jour ne sont pas rares…

 

Le poids de la religion qui ramène le pays aux joyeux temps de l’inquisition : on se signe en passant devant les églises, et il n’est pas un magasin, une boutique, un restaurant, un bus ou autre qui ne possède une affiche religieuse où figure Jésus Christo nuestro señor, tout comme il n’est pas un magasin, une boutique, un restaurant un bus ou autre qui ne tente de t’arnaquer en te proposant le GRINGO precio , environ 20, 30 40, voir plus de 100% en plus du prix normal proposé au péruviens, et ce seulement parce que tu as la peau blanche... Et oui, la France n’est donc pas le Seul pays a pratiquer couramment le délit de faciès. Je ne m’étendrai pas sur la religion dans les pays pauvres au risque de choquer les plus bouffeurs de curés d’entre vous, mais bon... Disons qu'ici les archevêques et cardinaux sont des personnages publiques avec un droit d'intervention très lourd dans les débats politiques, économiques et, surtout, de société... Tant pis pour le droit à l'avortement et, plus généralement, la condition féminine...

Une surpopulation effrayante, touchant bien sûr les plus pauvres. Une tentative de l’ancien gouvernement pour promouvoir les planning familiaux et même l’avortement a échoué car l’église s’y opposait (tiens ! Tiens ! ). Un machisme qui n’a rien a envier a ses origines européennes… Un système éducatif lui aussi en grande partie privatisé avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer : accès au savoir limité aux plus riches, manque de matériel dans les classes de l'école publique, diplôme universitaires inutiles quand ils sont passés dans le public (les recruteurs les ignorent...), et ne parlons même pas des écoles à la campagne... Remarque, c’est pas plus mal, les enfants des plus riches apprennent a diriger des entreprises où travailleront les enfants des plus pauvres qui eux s’entraînent déjà dès le plus jeune âge (5 ou 6 ans) à cirer les pompes ou vendre des clopes ou des bonbons dans la rue.

 

La politique-business maintenant. Eh oui, ici ces deux mots n’en font qu’un. Les élections présidentielles sont dans un mois. Les dernières remontent à l’an dernier, et l’on pourrait croire, au vue de ces statistiques impressionnantes, une élection présidentielle par an, que la démocratie péruvienne fait du zèle ! En fait, il n’en n’est rien ! C’est juste que le dernier président élu : le célèbre Alberto Fujimori, est en fuite au Japon. Ce dernier a brigué son troisième mandat d’affilé l’an dernier (il a même truqué les résultats de l’élection, pour se rassurer je suppose) alors qu’à l’origine un président ne peut être élu que deux fois de suite... Comme ça a un peu mis le feux aux poudres, il s’est barré au Japon (dont il a ensuite prouvé qu'il était citoyen : 11 ans président du Pérou alors qu'il était né japonais et avait toujours conservé cette nationalité. Chapeau bas !). Bien sûr, il a emmené la caisse avec lui, ainsi que des documents compromettants, la routine quoi !

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Depuis, tous les jours, dans la presse, on en apprend un peu plus sur le niveau de corruption du régime. Son ex assesseur planifiait tout en secret, avec d’autres ministres, avec des députés, des hommes d’affaires, des militaires, afin d’accumuler un maximum de thunes et de perpétuer le pouvoir. On dit qu’il aurait détourné la rondelette somme d'un milliard de dollars. Ce très brillant personage, Vladimiro Montesisnos, avait la bonne idée de filmer toutes ses entrevues privées a l’insu de ses visiteurs. Ainsi, le Pérou possède des preuves du niveau de corruption exceptionnel dont il fait l’objet. On dit d'ailleurs que c'est le cinquième pays le plus corrompu au monde ! Tiens ! Lui aussi, Montesinos, est en fuite, on le dit au Vénézuéla. Entre temps, il s’est fait refaire le portrait... Et ceux qui se présentent aux présidentielles n’ont pas l’air vraiment mieux, enfin…

 

Et je ne développe pas sur les pollutions, principalement atmosphériques, aquatiques et sonores, sans parler non plus du fléau mondial que sont les taxis et qui n’épargne pas le Pérou…

 

Vous allez me dire : "Mais quelle description apocalyptique du Pérou tu nous fais là !". Malheureusement , j’ai l’impression que cela s’applique a la majorité des pays pauvres.

 

D’autre part, ne croyez pas que j’adopte l’attitude des occidentaux qui, revenant de pays en voie de développement, passent leur temps a critiquer ces pays, à dire que tout est merdique, et que, finalement, "on est quand même bien mieux chez soi". Non, loin de moi cette idée. Ici il y a des choses extraordinaires : les paysages bien sûr, les richesses archéologiques, la musique et des tas d’autres choses encore. Mais, le plus important reste les gens. Il y a ici une chaleur humaine bien présente et bien palpable. Il n’est pas rare, par exemple, qu’une personne m’invite à manger ou à dormir chez elle alors que je ne la connaît pas !

Bref, en dépit de cette description apocalyptique je suis enchanté d’être ici et je conseille à tous ceux d’entre vous qui aime voyager, s’ils en ont l’occasion un jour, de venir faire un tour par ici.

 

Sinon, comme je vous l’ai dit plus haut, ça roule pour moi. Je suis logé par une amie rencontrée à Liverpool il y a 7 ans, Magali, avec qui j’étais resté en contact. Et, outre l’aspect humain de la chose (sa famille m’a adopté), l’aspect économique n’est pas négligeable car c’est assez cher pour se loger a Lima. Enfin, tout est relatif, c’est plus cher que dans le reste du pays.

 

Je visite un peu la capitale péruvienne. Je me rends donc dans le centre (Magali essaye de m'en dissuader car elle voit le centre de Lima comme un immense coupe-gorge...) et en reviens vivant et en un seul morceau. La sécurité s'y est tout de même bien améliorée depuis la fin de la période du terrorisme du Sentier Lumineux. 

 

Sur La Plaza de Armas, face au Palais Présidentiel et la cathédral de Lima, tout semble plutôt calme, avec même un air de petite ville de province. Quelques rues piétonnes et maisons coloniales typiques rendent cette visite bien plaisante. Si ce n'était le traffic et la polution automobile, on pourrait même trouver la ville agréable. D'autant que le climat entre janvier et mars est largement ensoleillé, contrairement (à ce que l'on m'a dit) au reste de l'année où la brume quotidienne empêche de voir le soleil pendant environ 9 mois.

 

Bien sûr, en arrière-plan du Palais Présidentiel on peut voir les casitas sur les Collines, témoignages bien réels des inégalités dont je vous parlais un peu plus haut.

A part ça, je joue et chante dans plusieurs endroit. Le parc Kennedy, dans le quartier chic de Miraflores, en début de soirée certains jours, dans une espèce d’amphithéâtre en extérieur. L’autre soir, j’ai même failli déclencher une émeute (non, j’exagère ! ) quand un policier est venu me dire d’arrêter après 6 ou 7 chansons. Les gens qui étaient là, l’amphi était presque rempli, ont commencé a engueuler le flic au point qu’il a même appelé du renfort. Moi, je me suis tranquillement arrêté (au lieu que ce soit eux qui ne m’arrêtent) et le public m’a finalement filé pas mal de ronds. Ça tombait bien, je n’avais plus de voix.


Je chante aussi de temps en temps dans le resto du Club Germania que tient le papa de Magali (d’accord on peut parler de piston !). Mais je joue aussi dans un bar de Barranco, le quartier où j’habite, et qui est le quartier le plus sympa de Lima, et celui qui bouge le plus la nuit. Le bar s’appelle La Posada del Angel et c’est en fait un ensemble de trois bars où l’on joue de la musique (un chanteur avec sa gratte) du mercredi au samedi soir. On se relaye en tournant d’un bar à l’autre. Il s’y chante de la musique trova, l’équivalent de Brassens ou, encore plus, de Renaud, en espagnol, c’est dire si je suis content d’y jouer. J’apporte une touche internationale en chantant les chansons d’un autre grand groupe de musique rebelle The Beatles. On ne rit pas s’il vous plait. Et là pas de piston ! J’y joue le mercredi et le vendredi. C’est cool, non ?


Sinon, je me ballade, fais des rencontres et améliore mon espagnol. Bref, pour résumer, me répéter, et finir : Ça roule pour moi.

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