L'Amérique du Sud
Le Guayana
La frontière
Je prends donc un combi de Paramaribo jusqu'à la frontière avec le Guyana. Encore un fois j'en suis quitte pour quelque frayeurs grâce au chauffeur et à l'état de la route. A la frontière aussi c'est assez folklo... Il faut changer mon argent surinamais en dollars guyanais. Je suis un peu en galère parce que les douaniers me demandent une taxe que je n'ai pas à payer et comme je ne l'ai pas prévu, puisque j'ai prévu que je n'aurai RIEN à payer, je me retrouve disons... Dans la gêne... Finalement, après avoir argumenté, ils me laissent passer, ne me donnant que 3 jours sur mon visa ("transit").
Je rencontre également un couple d'américains assez sympas. Lui est diplomate en Colombie. Hé bien, aussi impressionnant que cela puisse paraître (rappel des faits : Diplomate américain en Colombie !), ce qui m'épate réellement chez ce monsieur est la taille de ses lunettes de soleil... Un vrai moustique ! Enfin... Ce qui me fait aussi halluciner c'est quand il m'explique qu'en tant que diplomate il a le droit à un bagage non fouillé lorsqu'il passe une frontière. Je ne savais pas. Je comprends alors le sens d'une phrase d'un sketch de Coluche lorsqu'il disait que les armes pour les détournements d'avion ne passaient pas avec les passagers mais avec les valises diplomatiques... Mieux vaut tard que jamais.
Le passage de la frontière se fait en traversant le fleuve Courantyne sur un bac. C'est vite fait, moins d'une heure. En tout cas il fait chaud et c'est bien agréable. Ensuite un autre combi fou jusqu'à Georgetown. On a beau dire qu'on s'habitue à tout, c'est faux ! Par exemple, les chauffards de combi je ne m'y habitue pas. Des gens sur place m'expliquent qu'il y a beaucoup de morts sur les routes. D'ailleurs je me remémore un article dans un journal concernant deux frères qui s'étaient fait faucher par un combi alors qu'ils circulaient en charrette avec leur cheval. Total les deux étaient mort ainsi que le cheval.
J'ai oublié de vous présenter succinctement le Guyana. Donc, en gros, il s'agit de la plus grande des trois Guyane. Ce fut une colonie anglaise (après avoir été hollandaise entre 1600 et des poussières et 1814) jusqu'à 1966, année de son indépendance. On y parle l'anglais avec un accent caribéen qui ressemble un peu à l'accent jamaïcain. je suis donc de nouveau dans un pays où je peux communiquer facilement.
Il faut savoir que Georgetown est considérée, avec Caracas, comme la ville la plus violente d'Amérique du Sud. Je trouve cela stupide mais bon, il faut bien donner une raison d'être aux statisticiens... quoiqu'il en soit, encore néophyte sur ce continent, j'essaye de ne pas prendre de risques inutiles. Je prends donc une chambre pas trop chère dans un hôtel pas trop loin du centre. Le soir, je vais faire un tour dans le centre, justement, pour m'apercevoir que c'est vivant et bien plus accueillant que ne le laisse penser mon guide (Lonely PLanet).
Georgetown est une ville à l'architecture assez ancienne basée sur des constructions en bois. D'ailleurs, la cathédrale en bois dans le centre est réputée être le plus grand édifice du monde à être construit en bois. Peu de rues sont bitumées et ça donne un air de village à cette ville qui est pourtant une capitale.
Pour cause de paranoïa intensive (n'exagérons rien tout de même) due à la lecture à la lettre de mon guide (encore une fois j'ai des excuses, j'étais sur ce continent depuis à peine deux semaines), je sors sans mon appareil photo pour le cas où un grand noir avec un couteau entre les dents voudrait me dépouiller... Résultat, je peux remercier Le lonely et mon inexpérience d'alors parce que maintenant je me retrouve sans aucune photos de Georgetown, et j'en suis relativement dégoûté. Je tiens à remercier aussi la chance, au passage, puisque, comble d'ironie, aucun grand noir ne m'agresse ce soir là...
Mon objectif est d'arriver au Venezuela assez vite. Ça tombe bien, le Venezuela a une frontière avec le Guyana. Ca tombe mal : les deux pays se disputent un territoire minéralement assez riche le long de cette frontière. Pour l'instant, ce territoire est guyanais, mais le Venezuela le réclame. D'ailleurs, il apparaît sur les cartes officielles vénézuéliennes sous l'appellation : "Zona en reclamacion". Vous noterez au passage que l'espagnol est une langue super facile basée sur le français. Ceci peut nous permettre d'affirmer haut et fort que les espagnols sont de vils copieurs !
Les deux pays ne sont plus copains depuis ce différend qui date de je ne sais plus quand. Résultat, pas de passage de frontière entre les deux et le seul moyen terrestre d'atteindre le Venezuela depuis le Guyana est de passer par le nord-ouest du Brésil. Pour cela il faut se rendre à Linden, la troisième ville du pays, et de là, trouver un moyen de locomotion, généralement un camion de l'armée, pour qu'il vous emmène jusqu'à la frontière, à Lethem, un petit village, et ceci en traversant une portion de la forêt vierge et de savane. Le trajet dure environ 17 heures...
Pour se rendre à Linden, pas de problème. On prend un bus, on ferme les yeux, et on pense à tout ce que l'on fera si l'on survit au trajet avec ce fou au volant. Ensuite, ça se gâte. Le fou me dépose à l'endroit à priori, selon lui, le plus approprié pour que je trouve un camion pour me rendre à Lethem, c'est à dire à côté du dernier bar/restaurant avant le début du chemin à travers la jungle ! Ceci dit, il m'avertit que, étant en fin de semaine (samedi), je ne suis pas certain de trouver un camion tout de suite. On peut dire qu'il a vu juste.
J'arrive vers 12 H ce samedi et ne trouve personne pour m'emmener avant 36 heures. 36 heures à attendre l'inconnu ! J'ai le temps de sympathiser avec le patron du bar. Il me laisse même prendre une douche chez lui. Ensuite, après avoir dormi sur l'une de ses tables, mangé quelques uns de ses hamburgers qui avaient au moins deux jours, hors du frigo, je me décide le lendemain donc, à changer d'endroit, c'est à dire à me rapprocher de la bifurcation finale, celle d'avant les 17 heures de 4X4...
Là, je fait la connaissance de plusieurs indiens qui vont travailler dans les mines d'or de l'intérieur du pays et qui, comme moi, attendent un hypothétique camion. Toujours un peu stressé par les dires (calomnies !?!) de mon guide sur la réputation du Guyana et de ses habitants, je décide de retourner vers mon bar/restaurant vers les 16 H parce que, après avoir sorti mon appareil photo pour 2 ou 3 clichés, je les sens de plus en plus moyens mes nouveaux compagnons. Des regards, des messes-basses... Surement le fruit de mon imagination et de mon stress... Mais bon. Quoiqu'il en soit je fais bien puisque le soir même, peu après minuit, un 4X4 offre de m'emmener jusqu'à Lethem. BINGO !!!
A la frontière, rebelote ! Les douaniers réessayent de m'extorquer de l'argent. Je dois batailler ferme pour qu'ils me laissent partir. En fait ils me réclament des Dollars US et je n'en ai pas, alors... Je crois que si je suis aussi convaincant c'est parce que je suis mû par un réel désespoir. En effet s'ils insistent pour me retenir, mon 4X4 part sans moi et il ne me reste plus assez d'argent local pour prendre un autre véhicule en direction de Linden puis Georgetown... LA CATA quoi ! En fait le poste frontière dont je parle est le poste de frontière de sortie du territoire qui se trouve à 2 heures de piste de Linden. Une piste de terre rouge et poussiéreuse vous ne pouvez pas vous imaginer. C'est évidemment au milieu de nulle part, avant d'entrer à proprement parler dans la forêt.
Que je vous présente mes bienfaiteurs. Il s'agit d'un monsieur, de sa femme, leur petite fille et un ami à eux dans un énorme 4X4. Il me prennent environ l'équivalent de 35 Euros pour le trajet ce que je trouve raisonnable. Une fois l'écueil du poste frontière passé nous nous arrêtons pour dormir dans la voiture. C'est plus qu'inconfortable mais bon, on n'a rien sans rien.
Ensuite nous reprenons la route vers 4 H du matin. Je suis tout de suite impressionné par la forêt vierge. Ces arbres immenses, et surtout, en pensant à tous ces animaux, ces plantes étranges, bref à la biodiversité de cet endroit, impossible à toucher vraiment puisque dans un 4X4, mais tout de même, savoir que c'est là... Ce n'est pas particulièrement beau lorsque l'on roule sur un chemin boueux au beau milieu de la forêt mais ça reste une grande expérience... En tout cas pour moi.
Parmi les écueils du trajet il y a, surtout, une énorme flaque de boue, incontournable, où l'on doit descendre du véhicule et espérer que le chauffeur ne s'embourbe pas. De toute façon il m'explique qu'il a un treuil, au cas où... Il y a aussi le fleuve Essequibo à traverser sur un bac. Le temps n'est pas génial mais dans ma tête il est au beau fixe.
A posteriori je me dis que j'ai bien raison d'être content car j'ai eu de la chance de trouver quelqu'un pour m'emmener sur ce trajet, et que ça se soit aussi bien passé.
En effet, nous arrivons à Lethem, village frontière avec le Brésil sous le soleil descendant (il est apparu dans l'après- midi) de 16H.
Après avoir réglé et pris congé de mes sauveurs je passe la frontière, un petit cours d'eau d'une vingtaine de mètres de large, la rivière Takutu qui, en l'occurence, deviendra grande puisqu'elle se jette dans le Rio Branco au Brésil, lui même étant l'un des principaux affluents de l'Amazone.
Une petite pirogue et 2 minutes plus tard on est au Bésil.